L’évolution du prix du pétrole n’est pas nécessairement corrélée à celle de la croissance mondiale

6 min de lecture 18 janv. 16

Summary: Le monde est parfois difficile à comprendre, mais les êtres humains que nous sommes n’aiment pas avoir l’air idiots. Pour comprendre ces forces contradictoires, nous imaginons des scénarios qui simplifient le monde et nous permettent de parler avec assurance devant les clients et lors de dîners en ville.

Aujourd’hui, le scénario semble se résumer ainsi : « la Chine connaît un ralentissement, elle demande moins de pétrole, le prix du pétrole baisse et c’est une mauvaise chose pour tout le monde ». La prolongation naturelle de ce scénario est de considérer que la baisse du prix du pétrole est en quelque sorte indicative de l’ampleur de la faiblesse de la croissance mondiale.

Qu’est-ce que le prix du pétrole nous a appris au sujet de la croissance mondiale par le passé ? Pas grand-chose en fait.

Si l’on regarde les évolutions d’une année sur l’autre, on observe une baisse concomitante du pétrole et de la croissance en 2008, et peut-être une hausse des deux autour de 2000, mais la corrélation semble ténue.

Cela ne devrait pas surprendre grand monde. Certes, le pétrole est un élément important de l’économie mondiale, mais c’est loin d’être le seul.

Le pétrole est une matière première. Son prix est déterminé par la demande, mais également par l’offre. En fait, il y a seulement deux mois, les observateurs se focalisaient sur l’offre. Selon le raisonnement traditionnel : « Si le prix du pétrole baisse aujourd’hui, c’est parce qu’il y en a trop. Son prix était élevé à la fin des années 2000, ce qui a entraîné une augmentation de la production (et notamment des innovations avec l’exploitation du gaz de schiste) et les pays de l’OPEP n’ont pas réduit leur production ».

Le scénario de l’an dernier et celui de cette année reposent sur des vérités partielles. L’offre et la demande jouent effectivement un rôle, et comme Woody Brock de Strategic Economic Decisions l’a souligné, les courbes de l’offre et de la demande de pétrole sont pentues. Ainsi, le marché ressemble davantage au graphique de droite ci-dessous qu’au graphique de gauche. De faibles variations des volumes demandés ou offerts entraînent d’importantes fluctuations des prix.

Les courbes de la demande sont pentues, car les entreprises et les individus ont pour la plupart des difficultés à adapter rapidement le volume de pétrole qu’ils consomment en réaction à une variation de son prix. La pente de la courbe de l’offre est également forte, car il est toujours relativement difficile de réduire rapidement la production malgré la flexibilité tant vantée de la production de gaz de schiste. Woody Brock indique que le fait que de nombreux pays producteurs de pétrole ne cherchent pas à optimiser les profits, mais les recettes est un facteur encore plus important pour l’offre. Leur objectif est d’augmenter leur trésorerie (dans les pays devant financer leurs budgets, par exemple) de sorte que si les prix baissent, il leur faut produire davantage et non moins.

La demande et l’offre jouent un rôle majeur et entraînent une volatilité accrue, mais c’est parce que le marché chinois des actions et le prix du pétrole ont baissé en même temps que nous avons réorienté notre scénario aujourd’hui pour nous intéresser exclusivement à la demande.

Ce scénario pourrait toutefois être erroné, tout comme le fait de penser qu’une baisse des prix du pétrole sera nécessairement mauvaise pour la croissance à l’avenir. Dans le monde, il y a plus d’entreprises qui achètent du pétrole que d’entreprises qui en produisent. Tout comme les individus qui font le plein de carburant à la pompe, elles ont simplement bénéficié d’une baisse des coûts, ce qui devrait être considéré comme une bonne chose.

Enfin, il est utile de garder à l’esprit que même si le prix du pétrole est une indication de ce qu’il adviendra de la croissance mondiale (voire de ce qu’il est advenu), d’autres facteurs sont à prendre en considération : le PIB n’est pas la même chose que les profits des entreprises et ces profits ne sont pas suffisants à eux seuls pour indiquer ce que seront les performances du marché boursier – sauf sur le très long terme (comme nous l’avons commenté ici). Les scénarios sont divertissants et rassurants. Malheureusement, dans le monde de l’investissement, le concept du rasoir d’Occam (selon lequel l’explication la plus simple est toujours la meilleure) ne se vérifie pas toujours.

La valeur des investissements peut fluctuer et ainsi faire baisser ou augmenter la valeur liquidative des fonds. Vous pouvez donc ne pas récupérer votre placement d'origine.

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