Batteries des véhicules électriques - controverses et solutions

10 min de lecture 7 juil. 23

Le transport routier produisant 16 % des émissions mondiales selon l’AIE, l’adoption généralisée des véhicules électriques (VE) va s’avérer essentielle dans le cadre des efforts déployés à l’échelle mondiale pour atteindre le « net zéro ». Pourtant, malgré les qualités de durabilité des VE, leur production suscite encore de nombreuses controverses environnementales et sociales. Nous passons ci-après en revue les principales controverses liées à la chaîne de valeur des batteries de VE et les solutions potentielles.

Anatomie d’une batterie de VE

La plupart des VE fonctionnent avec des batteries lithium-ion (Li-ion) du même type que celui utilisé dans les ordinateurs portables et les smartphones. Les performances des batteries, dont la densité énergétique (l’autonomie du véhicule) et la sécurité (l’inflammabilité), sont déterminées par la chimie et tous les mélanges chimiques présentent des caractéristiques de performance différentes. Par exemple, les batteries nickel-manganèse-cobalt (NMC) ont une densité énergétique élevée en raison de la teneur en cobalt de la cathode, ce qui permet une meilleure autonomie.

Les batteries des VE fonctionnent en faisant circuler des électrons, ce qui crée une différence de potentiel entre deux électrodes, l’une négative (« l’anode ») et l’autre positive (« la cathode »). Ces électrodes sont immergées dans un liquide conducteur appelé électrolyte. Lorsque la batterie alimente le véhicule, les électrons se déplacent de l’anode vers la cathode, et inversement lorsque la batterie est en charge.

Les anodes sont généralement en graphite, tandis que l’électrolyte est un sel de lithium sous forme de liquide ou de gel. La cathode est constituée de combinaisons d’oxydes métalliques de lithium (cobalt, nickel, manganèse, fer et aluminium) et sa composition détermine en grande partie les performances de la batterie.

Problèmes éthiques dans la chaîne d’approvisionnement

Le cobalt confère aux véhicules l’autonomie et la durabilité dont les consommateurs ont besoin. Les batteries des véhicules électriques sont les plus importantes sources de demande de cobalt et ont consommé 34 % des capacités mondiales en 2021 (selon le Cobalt Institute). Sous l’effet de la généralisation des VE, la Commission européenne et la Global Battery Alliance prévoient une multiplication par quatre de la demande de cobalt d’ici 2030.

Les approvisionnements en cobalt sont étroitement liés à des controverses éthiques concernant le travail des enfants et l’esclavage, ce qui est sans doute le problème le plus important dans le domaine des batteries pour VE. La République démocratique du Congo produit plus de 70 % du cobalt mondial, pays où 15 % à 30 % de la capacité de production minière y sont attribuables à l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASM). Cela fait de la production de cobalt via l’ASM le deuxième plus grand secteur minier de cobalt au monde, après la production via la LSM (exploitation minière industrielle à grande échelle) en RDC. L’ASM a été associée au travail des enfants et à l’esclavage, et l’UNICEF estime que plus de 40 000 enfants travaillent actuellement dans les mines artisanales et à petite échelle.

Avec l’adoption généralisée des VE, le cobalt extrait par les mineurs artisanaux est intégré dans la chaîne de valeur de la production des VE. Il est impossible de déterminer quelle part de la production de batteries pour VE actuelle est liée aux mineurs artisanaux, mais on peut affirmer sans risque d’erreur qu’il s’agit là d’une controverse éthique majeure qui persiste. 

D’où vient le cobalt ?

Source : United States Geological Survey et analyse Bernstein, 2022.

Dommages environnementaux causés par l’exploitation minière

Outre les controverses sociales, l’extraction de minerais clés tels que le lithium et le nickel pose également des problèmes environnementaux. Selon McKinsey & Co, l’utilisation grandissante des véhicules électriques devrait avoir pour effet d’accroître la production de lithium d’environ 20 % par an au cours de la décennie, et d’ici 2030, les VE représenteront 95 % de la demande de lithium.

Le lithium est extrait de roches dures ou de réservoirs souterrains de saumure. L’extraction des roches dures produit 15 tonnes d’émissions de CO2 par tonne de lithium et laisse des traces dans le paysage. Elle a également été associée à la contamination de l’eau en Tasmanie, un centre minier australien.

L’extraction de la saumure génère 5 tonnes d’émissions de CO2 par tonne de lithium. Il s’agit d’un processus gourmand en eau : l’eau de mer et d’autres eaux de surface sont mélangées à de l’eau douce et laissées dans des bassins pendant une période pouvant aller jusqu’à 18 mois, laissant derrière elles des minéraux à mesure que l’eau s’évapore. Cette pratique a été associée à des pénuries d’eau au Chili, où la disponibilité de l’eau a chuté de 10 % à 37 % au cours des 30 dernières années et devrait encore s’aggraver.

Les réserves de lithium sont concentrées en Amérique latine et en Australie

Source : United States Geological Survey, MineSpans, 2022.

Le nickel est un ingrédient clé du mélange chimique des batteries nickel-manganèse-cobalt (NMC) et nickel-cobalt-aluminium (NCA) qui contiennent respectivement 33 % et 80 % de nickel. L’extraction du nickel a la plus forte intensité d’émissions de tous les métaux, en produisant en moyenne 10 tonnes de CO2 par tonne de métal. Cette pratique a également été associée à l’augmentation de la déforestation et à la contamination des rivières et des lacs en Indonésie, pays qui possède les plus grandes réserves de nickel au monde.

Problèmes de sécurité

De la même manière que les batteries des smartphones peuvent chauffer pendant la charge, les batteries des VE sont naturellement sujettes à la surchauffe. Bien entendu, cela présente de graves dangers pour la santé ou des risques potentiellement mortels pour l’utilisateur final si les batteries s’enflamment.

Cela a conduit à un certain nombre de rappels de produits très médiatisés. Par exemple, General Motors a rappelé 73 000 Chevrolet Bolt après qu’au moins 13 véhicules ont pris feu en raison de « rares défauts de fabrication ». Hyundai a également rappelé 74 000 de ses véhicules électriques Kona EV après que 16 d’entre eux ont pris feu. Dans les deux cas, les batteries avaient été fabriquées par LG Energy Solutions (LGES).

Toutefois, il est important de garder à l’esprit que ces rappels sont négligeables par rapport aux millions d’unités vendues par LGES chaque année. En outre, les rappels pour des raisons de sécurité ne sont pas si rares et concernaient déjà les véhicules à moteur à combustion interne avant les VE. À titre d’exemple, en 2022, Volkswagen et Audi ont rappelé plus de 225 000 véhicules en raison de problèmes de sécurité liés à des systèmes défectueux de contrôle de la pression des pneus.

Quelles sont les solutions potentielles ?

L’industrie de la production de batteries pour VE n’en est qu’à ses débuts et est en constante évolution. Bien qu’il n’y ait pas de solution universelle, il existe toutefois diverses solutions potentielles à chacune de ces controverses. Nous en examinons ci-dessous quelques-unes plus en détail.

Le recyclage

Le recyclage des batteries va jouer un rôle clé dans l’amélioration des impacts éthiques et environnementaux de la chaîne d’approvisionnement des batteries de VE. 2030 devrait être une année témoin ou nous verrons un flot de piles recyclées réintégrer la chaîne d’approvisionnement, lorsque les batteries fabriquées entre 2017 et 2022 auront terminé leur cycle de vie de 10 ans.

Il est difficile de chiffrer les taux de recyclage attendus dans la mesure où les objectifs et les réglementations varient d’une région à l’autre. Actuellement, au sein de l’UE, le contenu recyclé des piles n’est que de 12 % pour l’aluminium, 22 % pour le cobalt, 8 % pour le manganèse et 16 % pour le nickel. Toutefois, sous l’impulsion des nouvelles réglementations de l’UE, ces chiffres sont appelés à augmenter (voir ci-dessous pour de plus amples informations). Une étude de Goldman Sachs estime que plus de 50 % du lithium et du nickel sur le marché européen des véhicules électriques proviendront de batteries recyclées d’ici 2040.

Il convient de noter que les taux de recyclage dépendent également de la composition chimique des piles, certaines étant plus faciles à recycler que d’autres. En outre, de nombreuses batteries ont été conçues sans tenir compte du recyclage et il peut être difficile d’en extraire les matières premières. En l’absence de réglementation en matière de recyclage avant 2020, les fabricants n’étaient pas encouragés à rendre leurs batteries facilement recyclables.

L’évolution du paysage réglementaire

L’évolution de la réglementation va s’avérer essentielle pour surmonter les problèmes sociaux et environnementaux. L’UE a proposé une série de règlements visant à encourager le recyclage et la transparence environnementale. Elle prévoit des quotas de contenu recyclé minimum pour les nouvelles batteries : au moins 12 % du cobalt, 85 % du plomb, 4 % du lithium et 4 % du nickel doivent provenir de sources recyclées.

Le règlement comporte également de nouveaux objectifs pour la récupération des batteries usagées. Pour les déchets de batteries portables, cet objectif est de 45 % d’ici 2023, 63 % d’ici 2027 et 73 % d’ici 2030, et pour les batteries des « moyens de transport légers », il est de 51 % d’ici 2028 et 61 % d’ici 2031. En outre, les constructeurs de VE doivent déclarer leur empreinte carbone et respecter des seuils maximaux d’empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de vie.

Aux États-Unis, la loi de près de 400 milliards de dollars sur la réduction de l’inflation (« Inflation Reduction Act ») offre aux constructeurs de VE des crédits d’impôt si au moins 50 % des composants sont fabriqués ou assemblés sur le sol américain, ou si au moins 40 % du contenu minéral de la batterie est extrait, traité ou recyclé aux États-Unis ou dans des pays ayant conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis. Cette initiative devrait favoriser une meilleure chaîne d’approvisionnement nationale pour les batteries de VE grâce à une plus grande capacité à comprendre et à suivre la source des matières premières, ainsi qu’à réduire la dépendance à l’égard des pays qui posent des problèmes en matière de respect des droits de l’homme.

D’autres technologies de batteries

Il existe de nouvelles compositions chimiques pour les batteries, lesquelles permettent d’éviter les problèmes susmentionnés à des degrés divers. Il est important de noter qu’il n’existe pas encore d’alternative aux batteries Li-ion avec une densité énergétique égale et qui puisse être déployée commercialement à grande échelle. La densité énergétique détermine l’autonomie du véhicule électrique. Il s’agit donc d’un défi crucial à relever pour que les batteries de demain puissent prendre une place prépondérante sur la scène mondiale. Toutefois, certaines des solutions les plus prometteuses sont les suivantes :

Lithium-fer-phosphate (LFP)

Les batteries LFP sont de plus en plus utilisées dans les VE des constructeurs européens. Elles ne contiennent pas de cobalt, mais du fer et du phosphate, des matériaux moins chers et plus abondants. Ces batteries ont une densité énergétique moindre, mais une meilleure sécurité thermique que les batteries Li-ion. Tesla utilise désormais des batteries LFP dans ses voitures standard Model 3 et Model Y, dont les exigences en matière d’autonomie sont moindres.

Sodium-ion (SIB)

Cette technologie à un stade embryonnaire n’est pas encore commercialisée. Elle utilise l’aluminium et le sodium, qui est plus de 1 000 fois plus abondant que le lithium. Toutefois, les batteries SIB ont une densité énergétique et une autonomie inférieures à celles des batteries Li-ion, et sont plus lourdes, ce qui les rend moins adaptées en raison de leur taille considérable.

État solide

À un niveau très élevé, les batteries à l’état solide utilisent un électrolyte solide contrairement au gel liquide ou polymère que l’on trouve dans les batteries Li-ion actuelles. Il peut s’agir de céramiques, de verre, de sulfites ou de polymères solides. Ces batteries contiennent du cobalt, mais en quantités beaucoup plus faibles que les batteries Li-ion et offrent des avantages en termes de densité de puissance et de réduction du risque d’incendie. De nombreux fabricants, dont Toyota, Samsung et LGES, aspirent à commercialiser des batteries à l’état solide au cours des prochaines années.

En conclusion

Les VE vont sans aucun doute contribuer à la décarbonation de l’économie mondiale et leur adoption à grande échelle va jouer un rôle essentiel dans les efforts déployés pour parvenir à « zéro émission nette ». Toutefois, si l’industrie ne cesse d’évoluer, il demeure des problèmes sociaux et environnementaux fondamentaux qui se doivent encore d’être résolus.

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Rédigé par Jermaine Mensah

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