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6 min de lecture 27 mars 25
La pertinence et l’efficacité de l’investissement « value » font l’objet de nombreux débats parmi les investisseurs. En s’appuyant sur sa longue expérience, l’équipe « Value Equities » de M&G cherche à battre en brèche certaines des idées reçues les plus répandues sur la gestion « value » et explique pourquoi le moment semble venu de plonger dans l’univers de l’investissement « value ».
Ces dernières années, la gestion « value » (qui consiste à investir dans des actions délaissées par les investisseurs et donc faiblement valorisées) a perdu de sa superbe. Après la longue période de sous-performance qui a suivi la crise financière mondiale, l’idée selon laquelle ce type de gestion ne fonctionnait plus a fait son chemin dans l’esprit des investisseurs. Au point que nombre d’entre eux ont purement et simplement abandonné le style « value ».
L’omnipotence des valeurs de croissance sur les marchés actions américains et mondiaux ces dernières années a manifestement déstabilisé même les plus fidèles adeptes du style « value ». Le discours dominant sur ce style de gestion est selon nous erroné. Nous pensons au contraire que ses perspectives d’investissement sont très prometteuses et nous contestons vigoureusement l’idée selon laquelle il aurait perdu toute pertinence.
Dans de nombreuses régions en dehors des États-Unis, les titres « value » ont même surperformé les valeurs de croissance ces trois dernières années. En Europe et au Japon, leur domination a même été assez prononcée, ce qui a pu en surprendre plus d’un. Ainsi, loin d’être de l’« histoire ancienne », cette surperformance témoigne de la grande pertinence de la gestion « value » et de l’attention que les investisseurs devraient lui porter.
L’idée selon laquelle l’investissement « value » ne fonctionne plus n’est qu’un des nombreux mythes qui entourent selon nous ce style de gestion. Examinons de plus près certaines des autres idées reçues.
On entend souvent dire que les valorisations plus élevées des valeurs de croissance et des actions de qualité sont justifiées par leurs fondamentaux sous-jacents. Les tenants de cette approche estiment que malgré leurs valorisations, ces actions ne sont pas aussi onéreuses qu’on le croit, étant donné leur qualité supérieure ou leur taux de croissance soutenu.
Selon nous, ils se trompent : dans de nombreux cas, des valorisations élevées ne reflètent pas fidèlement la performance intrinsèque supérieure d’une entreprise. Prenons l’exemple de Walmart. Le géant américain de la distribution est souvent considéré comme une entreprise de qualité et stable et, ces dix dernières années, son ratio cours/bénéfice prévisionnel (PER) est passé d’environ 15x en 2015 à environ 37x en 2025.
Walmart a beaucoup évolué au cours de cette période, notamment en investissant dans le commerce électronique et l’automatisation. Mais malgré des innovations et des investissements massifs, le rendement du capital investi de l’entreprise est resté constant à 13 %. Si la valorisation de Walmart a plus que doublé en dix ans, cette tendance ne s’est pas accompagnée d’une amélioration de ses fondamentaux.
C’est probablement l’« exceptionnalisme des États-Unis » et l’optimisme naturel des investisseurs américains qui maintiennent la valorisation de Walmart à de tels niveaux, malgré des fondamentaux qui stagnent. Lorsqu’il existe un écart entre les anticipations du marché à l’égard d’un titre et la réalité de l’entreprise concernée, il est difficile de prédire le timing de sa correction, mais selon nous les fondamentaux sous-jacents prennent toujours le dessus. Le marché finit par reprendre conscience des contraintes en matière de valorisation et par se convaincre que les multiples élevés d’une entreprise ne reflètent pas ses fondamentaux.
Prenons un second exemple, celui de Pernod Ricard, autre entreprise dite « de qualité ». Le cours de bourse du géant européen des boissons s’est envolé entre 2009 et 2022. Toutefois, sur cette période, ses flux de trésorerie disponible n’ont pas évolué. L’action Pernod Ricard a fortement chuté lors des deux dernières années car les investisseurs ont constaté que ses performances sous-jacentes n’avaient pas réellement changé.
Walmart pourrait-il connaître le même sort ? L’avenir le dira. L’exemple du marché européen le confirme : l’idée selon laquelle « les valorisations élevées des valeurs de croissance et de qualité sont toujours justifiées par les fondamentaux » est, pour citer l’actuel président des États-Unis, une fake news (« fausse information »).
Autre idée reçue concernant l’investissement « value », le fait que les investisseurs ne devraient posséder que les titres des fameux « 7 Magnifiques ». Cette idée s’explique selon nous par la domination de ces grandes valeurs américaines, Nvidia en tête, et par leur contribution à la forte hausse des cours de bourse ces dernières années. Leur poids très élevé dans les indices a sans doute donné l’impression que le style « growth » se portait beaucoup mieux que le style « value ».
Selon nous, la très forte concentration du marché américain et, par extension, du marché mondial, limite non seulement la capacité de diversification des investisseurs, mais annule également l’impact des actions décotées qui se sont bien comportées.
A contrario, en Europe, qui est un marché nettement moins concentré, nous avons décelé de nombreux titres « value » qui se portent actuellement très bien. Malgré le problème posé par les valorisations très élevées des entreprises des secteurs du luxe et de la consommation non-cyclique, l’absence d’un groupe de valeurs équivalent aux « 7 Magnifiques » (et l’effet de distorsion qui va avec), l’investissement « value » a porté ses fruits en Europe au cours des deux dernières années.
Ainsi, face à l’idée que les investisseurs n’ont qu’à posséder les « 7 Magnifiques », nous répondons : fake news. Les performances des « 7 Magnifiques » depuis le début de l’année nous confortent d’ailleurs dans notre opinion. Leurs cours de bourse ont tous baissé, alors que les 493 autres valeurs du S&P 500 ont gagné du terrain, tout comme les marchés actions européens. Ces tendances témoignent selon nous des nombreuses opportunités attractives qui s’offrent aux investisseurs au-delà des « 7 Magnifiques ».
On nous objecte souvent que l’investissement « value » oblige à sacrifier la croissance et la qualité. Ce n’est pas totalement faux. Acheter des actions décotées nécessite de faire des compromis, mais l’idée c’est d’en faire le moins possible. Et aujourd’hui, nous pensons que les adeptes de la gestion « value » doivent faire un minimum de sacrifices. Les portefeuilles que nous avons construits dans le cadre de nos stratégies dédiées aux actions décotées présentent de solides biais « value », sans pour autant renoncer à la qualité ou à la croissance.
Si l’on s’intéresse à la croissance des bénéfices enregistrée ces cinq dernières années par les valeurs les moins chères du marché mondial et les plus onéreuses, on constate que les taux de croissance respectifs de presque tous les secteurs sont très similaires, voire que le segment le moins cher du marché a surperformé. Il existe certes des exceptions, comme les technologies de l’information et l’immobilier, mais cette tendance montre que les actions moins valorisées n’ont pas autant souffert que les investisseurs auraient pu le penser.
Autre constat important, l’écart de valorisation élevé entre les deux catégories de titres. Dans la plupart des cas, la valorisation du panier d’actions le moins cher est inférieure d’environ 50 % à celle du panier le plus onéreux ; dans le secteur de la consommation cyclique, elle est d’environ un tiers moins élevée. Les données de chaque panier en termes de croissance des bénéfices se révèlent assez similaires, mais les niveaux de valorisation sont extrêmement variables à l’échelle du marché.
Les investisseurs « value » peuvent donc aujourd’hui construire des portefeuilles présentant de solides biais « value », mais sans renoncer complètement à la qualité ou à la croissance. Pour cela, ils n’ont même pas à s’intéresser aux entreprises en grande difficulté, dont les bilans sont tendus ou qui font l’objet d’une profonde restructuration. Il leur suffit d’acheter les titres d’entreprises présentant de bonnes perspectives, pilotées par des équipes de direction aux résultats décents et offrant une rentabilité honorable.
La période qui se profile va être passionnante pour les investisseurs « value ». Et nous en sommes persuadés : dire de l’investissement « value » qu’il implique de sacrifier la croissance et la qualité est tout simplement une fake news de plus.
Selon nous, les investisseurs qui savent faire fi des fake news sur la gestion « value » ont à leur disposition une multitude d’opportunités dans l’univers des actions décotées. Le premier de leurs avantages, c’est leur potentiel important en matière de diversification. À certaines périodes, les actions décotées étaient concentrées sur des segments ciblés, mais aujourd’hui elles sont est réparties sur l’ensemble du marché. Il est donc possible de construire des portefeuilles diversifiés composés d’entreprises au profil raisonnable et présentant des valorisations attractives.
Dans un monde empreint d’incertitudes, la gestion « value » offre une exposition directe à des actifs risqués affichant des valorisations décentes et, contrairement aux idées reçues, constituant une opportunité prometteuse à long terme.
La valeur des investissements fluctue et peut ainsi faire baisser ou augmenter la valeur des actifs. Les investisseurs peuvent donc ne pas récupérer leur placement initial. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les opinions exprimées dans ce document ne sauraient en aucun cas être considérées comme une recommandation, un conseil ou une prévision, ni comme une recommandation d’achat ou de vente d’un titre individuel.