Entretien avec Andrew Chorlton, Directeur de la gestion obligataire

8 min de lecture 22 avr. 25

Andrew, vous avez récemment rejoint M&G Investments en tant que Directeur de la gestion obligataire. Comment se passe votre intégration et qu’est-ce qui vous plaît le plus ?

Ce que je constate, c’est qu’il y a beaucoup d’énergie, de talent et beaucoup de personnes vraiment bienveillantes. Les performances sont bonnes et la qualité des collaborateurs exceptionnelle. Donc ce qui me tient à cœur, c’est la croissance, élargir notre champ d’action et offrir nos produits et nos expertises de gestion à davantage de clients et sur un nombre accru de marchés.

Parlez-nous du début de votre carrière ; comment êtes-vous arrivé dans le secteur de l’investissement, votre premier poste et notamment ce qui vous a motivé à choisir la gestion obligataire ?

A l’époque, j’étudiais à l’étranger, en Espagne, et tout le monde autour de moi postulait pour des stages d’été. Comme je n’avais rien d’autre à faire, j’ai fait pareil. La finance m’a toujours intéressé, mais pour être honnête, je ne comprenais pas vraiment le fonctionnement du système financier. Après un stage d’été chez Citi, qui a débouché sur un emploi dans le cadre d’un programme d’études, j’ai su ce que je voulais faire.

Concernant la gestion obligataire, comme beaucoup, c’est l’opportunité qui m’a été offerte. On m’a proposé d’arrêter de faire des rotations et d’avoir un « vrai travail » au sein d’une équipe mondiale de gestion obligataire. Comme chaque gérant de portefeuille senior prenait sous son aile un nouvel arrivant, je me suis dit que c’était l’occasion d’apprendre et on m’a confié le suivi de plusieurs marchés. Au cours de ma carrière, j’ai travaillé pour la société de gestion d’actifs d’une banque, d’une compagnie d’assurance, une boutique de gestion et une société indépendante, notamment pendant plus de dix ans États-Unis, et je suis finalement arrivé chez M&G, qui est selon moi le leader de la gestion obligataire en Europe.

Quel a été l’événement qui le plus difficile à gérer au cours de votre carrière et quelle leçon en avez-vous tiré ?

J’ai connu plusieurs chocs de marché, mais je dirais la crise financière mondiale, et dans une moindre mesure la pandémie de COVID, lorsque je travaillais pour une très petite entreprise. 

J’ai quitté Londres pour m’installer en Californie. J’ai commencé en juillet 2007 alors que la crise financière commençait à se faire sentir. La rapidité des variations de marché et la lenteur de la réaction des États et des régulateurs étaient assez stupéfiantes. 

Nous savions qu’en respectant notre philosophie de gestion et notre processus d’investissement, nous pouvions sortir de cette crise en un seul morceau et même renforcer nos relations avec nos clients. Lorsqu’on travaille pour une petite société et qu’on gère le patrimoine de clients externes, on peut vite se sentir mal à l’aise en cas d’erreur. On vous teste tous les jours pour justifier votre relation avec certains clients et à l’époque nous travaillions avec les plus grandes entreprises au monde. 

Ce respect de la philosophie d’investissement s’est révélé payant, pas nécessairement tous les trimestres, mais sur l’ensemble du cycle. Lors de la pandémie, la réponse des autorités a été un peu plus rapide, mais à l’époque, comme je l’ai dit, je gérais des portefeuilles, et le fait de s’en tenir à la philosophie d’investissement et au processus attendus par les clients nous a donné un solide point d’ancrage sur un marché pourtant difficile. 

Veiller à ce que nos clients comprennent clairement la philosophie des équipes de gestion permet de mieux gérer les fluctuations du marché. Malgré l’actualité quotidienne des marchés , si vous adoptez une philosophie d’investissement tenant compte de différents scénarios et qui guide vos décisions, c’est un peu comme un « super pouvoir ». 

Toutes nos équipes procèdent à une recherche fondamentale approfondie, qu’elles travaillent sur la dette d’entreprise, le crédit structuré ou les émetteurs souverains des pays développés et émergents. Le travail des gérants de portefeuille, c’est d’avoir en permanence une idée des valeurs relatives au sein de leur univers d’investissement, mais ils peuvent tous compter sur la qualité de nos recherches menées de manière indépendante et la confiance nécessaire qu’elles confèrent pour investir. 

« La composante « revenu » est de retour dans l’univers obligataire »

Pourquoi les obligations sont-elles actuellement attractives et quelle sera selon vous l’évolution de la demande ? 

Comme les populations vieillissent, la demande d’obligations sera alimentée selon moi par la recherche de sources de revenus en vue de la retraite. 

C’est pourquoi la période actuelle est très intéressante, avec un retour en grâce de la composante « revenu » sur les marchés obligataires. Cette tendance n’est pas due à des mouvements à court terme, mais au fait que la hausse des rendements, qui avait commencé en raison des craintes inflationnistes, est alimentée depuis quelque temps par une augmentation des rendements réels. Cette remontée des rendements réels est due en partie aux incertitudes actuelles, mais aussi, sur un plan plus fondamental, à l’augmentation de l’offre d’emprunts d’État à l’échelle mondiale et à la nécessité de fixer un prix attractif pour que les investisseurs puissent absorber tous ces titres.

J’ai la chance de diriger la gestion obligataire dans une entreprise possédant un solide héritage dans cette classe d’actifs, à un moment où, structurellement, l’argent devrait venir dans notre direction.

Dans un contexte marqué depuis quelques années par des risques géopolitiques, des politiques incertaines et une volatilité élevée, quel rôle les stratégies obligataires actives peuvent-elles jouer dans les portefeuilles modernes et pensez-vous que les allocations traditionnelles 60/40 sont appelées à disparaître ? 

Le rôle des instruments obligataires est moins de diversifier les risques que de contribuer à la performance. L’absence de politiques d’assouplissement quantitatif se traduit par une normalisation des rendements et les prix des obligations reflètent plus fidèlement l’équilibre entre le risque et le rendement. Je pense que les obligations vont désormais être considérées comme un moyen de diversifier les sources de performance, d’autant que les portefeuilles actions sont de plus en plus sensibles aux performances du marché américain.

Avec l’augmentation des allocations obligataires sur tous les segments de clientèle en raison de la hausse des rendements réels, les investisseurs vont devoir diversifier leur exposition obligataire comme ils le faisaient pour leurs portefeuilles actions. 

Même si les allocations obligataires sont beaucoup plus faibles, avec des expositions aux obligations américaines, européennes ou britanniques, je pense que les investisseurs vont de plus en plus se tourner vers les marchés émergents, qui sont une classe d’actifs mal-aimée ces dernières années, et ils vont se dire : « Si je reviens à un portefeuille 60/40 (même si je ne pense pas que beaucoup d’investisseurs aient eu une exposition de 40 % aux obligations), si je dois revenir à ces niveaux, je ne veux pas tout miser sur le marché des obligations d’entreprises britanniques. Je ferais mieux d’avoir un mélange d’emprunts d’État, d’obligations d’entreprises et une exposition aux marchés internationaux ou émergents », tout comme on peut le faire avec un portefeuille actions diversifié.

Quel indicateur économique ou signal de marché privilégiez-vous ? 

Mon indicateur « préféré », c’est l’emploi américain car c’est un chiffre qui concentre toute l’attention mais qui est presque toujours oublié au bout de 24 heures. Je trouve hallucinant que chaque mois, sans exception, tout le monde attend avec impatience ce chiffre, comme un réaction épidermique - parfois assez violente - et qu’ensuite, en seulement quelques jours, tout soit oublié, ou qu’une autre statistique complètement contradictoire soit annoncée. C’est comme une télé-réalité sur un indicateur économique - une sorte de récompense instantanée simplement parce que tout le monde en parle, alors que ce n’est qu’un chiffre, qui en soi n’a pas de sens. 

« J’ai découvert toute la cuisine coréenne , notamment le poulet frit, ainsi que le karaoké. Mais il n’y a rien mieux que son propre foyer. »

Votre carrière vous a conduit à Londres, à New York et en Californie. Quels sont vos lieux préférés pour sortir manger et quelle est la ville qui est au-dessus du lot en matière de gastronomie ? 

Ça dépend. La Californie pour la cuisine mexicaine, New York pour la cuisine coréenne et Londres pour la cuisine réconfortante. J’ai vécu six ans à Santa Barbara et six ans à New York. Tout le monde s’attend à ce que vous disiez : « la Californie me manque tellement », mais si vous travaillez sur les marchés financiers, vous devez être au bureau avant 5 heures du matin et vous coucher en même temps que les enfants !

New York est une ville extrêmement cosmopolite, on y rencontre des gens qui viennent de partout et qui sont allés partout. J’ai vécu à Brooklyn et travaillé à Midtown Manhattan et c’était génial. J’ai découvert la cuisine coréenne, notamment le poulet frit, ainsi que le karaoké. Mais il n’y a rien mieux que son propre foyer. »

Où êtes-vous allé à l’école et quelles disciplines avez-vous étudié à l’université ? 

Je suis allé au Hymers College à Hull, puis à l’université de Birmingham où j’ai étudié l’économie et l’espagnol. J’ai toujours voulu faire de l’économie à cause de l’aspect financier, mais j’ai aussi réalisé que beaucoup de gens avaient une formation économique et que combiner cela avec une langue étrangère augmenterait mes chances de trouver un emploi. L’année passée en Espagne reste la meilleure de toute ma vie et j’ai eu beaucoup de chance d’obtenir un stage, et un emploi par la suite. Une fois qu’on a mis un pied dans la porte, il n’y a plus qu’à faire ses preuves.

Dites-nous quelque chose que la plupart des gens ne savent pas sur vous. 

J’ai été DJ - mais pas sur un plan professionnel - pendant mon année à l’étranger. J’étais DJ le jeudi soir dans un bar de Valladolid, mais ne me parlez pas de musique maintenant ! 

Avez-vous une ville ou un pays préféré ?

Ma ville favorite, c’est Beverley, dans le comté du Yorkshire de l’Est, parce que c’est là d’où je viens. Beaucoup de mes amis y vivent encore et nous sommes restés très proches, même si je n’y ai pas vécu depuis mes 18 ans. 

L’année dernière, j’ai visité le Vietnam et la Chine pour la toute première fois. Chaque fois que je découvre un nouvel endroit, ça devient instantanément mon endroit préféré, jusqu’à ce que je découvre le suivant ! Il y a tellement de pays où je voudrais aller que je ne veux presque jamais retourner deux fois au même endroit.

Je pense que ma destination de rêve, c’est toujours le prochain pays que je vais visiter, en l’occurrence ce sera Oman !

Quels sont vos passe-temps en dehors du travail ?

J’ai deux filles et je passe beaucoup de temps à les emmener faire leurs activités. Sinon, je consacre du temps et de l’argent au rugby, aux voyages et à la gastronomie, l’idéal étant de tout combiner. Lorsque nous sommes revenus de New York, j’ai déménagé dans le Hertfordshire et les Saracens sont l’équipe la plus proche. Certains joueurs vivent dans la région et ça me fait toujours sourire de me retrouver dans la même file d’attente qu’un rugbyman anglais.

Quel conseil vous a été le plus utile et en avez-vous un à donner à ceux et celles qui débutent leur carrière ?

Une fois que vous avez un poste, trois choses vont jouer sur l’évolution de votre carrière : vous, votre manager et votre entreprise. Tout commence par vous, en tant qu’individu, car vous seul savez ce que vous aimez faire, ce en quoi vous êtes doué et jusqu’à quel point vous êtes prêt à vous investir pour réaliser vos ambitions. Chacun doit se prendre en main. 

Votre manager doit vous servir de catalyseur, vous offrir des opportunités qui vous feront progresser dans votre carrière, vous laisser évoluer, et même vous inciter à changer de domaine de travail. 

Et enfin l’entreprise, ou plus précisément l’équipe de direction, car c’est la croissance de l’entreprise qui créera les opportunités d’évolution.

Mais on en revient toujours à l’individu. Beaucoup de gens cherchent à déléguer l’évolution de leur carrière à leur manager, alors que c’est à eux de s’en charger : c’est à chacun de prévoir le développement de sa carrière tout en profitant de l’aide d’autres personnes pour aller toujours plus loin. 

La valeur de votre investissement pourra aussi bien baisser qu’augmenter et il est possible que vous ne récupériez pas la totalité de votre investissement initial. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les opinions exprimées dans ce document ne sauraient en aucun cas être considérées comme une recommandation, un conseil ou une prévision, ni comme une recommandation d’achat ou de vente d’un titre particulier.

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