Rendements, incertitudes et performances attendues

10 min de lecture 28 juin 17

Sommaire: Si un investisseur complètement neutre investit dans une obligation d’État non risquée, il peut raisonnablement s’attendre à recevoir le rendement offert par cette obligation.

Le rendement est en effet ce que l’on perçoit si l’on détient une obligation jusqu’à l’échéance. Tout gain réalisé à plus court terme et supérieur au rendement initial ne fait qu’avancer dans le temps les performances futures ; autrement dit, les performances ultérieures seront plus faibles pour pouvoir arriver au même point.

Toutefois, au cours des trente dernières années, un investisseur s’imposant un horizon à plus court terme (ne conservant pas ses obligations jusqu’à l’échéance) et espérant que le rendement soit un indicateur neutre des performances probables a dû être très souvent surpris.

Le graphique ci-dessous présente le rendement initial de bons du Trésor américain à 10 ans par rapport à la performance annuelle suggérée par les hausses de prix et les coupons dans les trois années suivantes. On observe ainsi qu’en septembre 1990, la valorisation d’un bon du Trésor à 10 ans impliquait un rendement annuel de 8,8 % au cours de sa vie. Or, l’augmentation du prix de cette catégorie de titre durant les trois années qui ont suivi a en réalité abouti à une performance totale équivalant à 14,8 % par an.

Rarement les performances sur trois ans n’ont été aussi proches du rendement de départ. Ces surperformances à court terme ont été la norme ces trente dernières années. Le graphique 2 ci-dessous montre ce qui a été généré au-delà du rendement initial par les bons du Trésor à 10 ans en trois ans (la différence entre les deux courbes, graphique 1).

Il convient de noter que durant toute cette période, ces performances n’ont été générées que lorsque les positions ont été constamment rééquilibrées pour revenir à des maturités de dix ans.

Néanmoins, cette situation est exceptionnelle pour les investisseurs ; rarement les performances sur trois ans ont été inférieures (ni même égales) au rendement de départ. Et cela ne concerne pas que les bons du Trésor. C’est la même chose pour les Gilts britanniques, les Bunds allemands et les obligations d’État japonaises.

Rendements et « performances attendues »

Ce qui précède n’est qu’une nouvelle façon d’illustrer ce que nous savons tous : la baisse tendancielle des rendements obligataires mondiaux s’est traduite par d’importantes plus-values. Toutefois, cela témoigne également de considérations importantes sur la manière dont nous envisageons l’efficience des marchés.

Même pour un actif de type bon du Trésor américain, dont on peut raisonnablement penser que le risque de défaut est très faible, et dont les versements de coupon sont transparents, la notion de « performance attendue » peut-être très large, y compris sur des périodes de plusieurs années.

Ce lien est encore plus instable sur les marchés actions :

Comparons ce f avec celui des bons du Trésor, mais en utilisant la même échelle cette fois :

Dans les deux cas, la courbe du rendement initial peut être considérée comme un « point de référence » en matière de valorisation, mais les actions peuvent s’écarter de manière bien plus importante de la notion de « performance attendue » que les obligations, simplement parce qu’il est difficile de déterminer ce qu’est réellement une « performance attendue ». Pour citer Howard Marks sur le concept de prime de risque action :

« …Un simple calcul mathématique nous dira précisément quelle est la performance promise d’une obligation (mais pas la probabilité de la percevoir), tandis que le calcul de la performance future d’une action nécessite de faire de nombreuses hypothèses sur l’avenir lointain. »

Cette difficulté est encore plus grande pour les devises ou les matières premières car, en l’absence de cash-flows promis et/ou de notion d’un flux de revenus possible, l’évaluation des performances attendues est encore plus difficile.

Incertitude des modèles de valorisation et « retour à la moyenne »

Avoir conscience de ces difficultés analytiques dans la détermination des performances attendues peut aider à évaluer les épisodes comportementaux de différents actifs. « L’incertitude des modèles de valorisation » est la théorie selon laquelle les actifs les plus difficiles à évaluer ont tendance à s’écarter davantage de toute notion de « juste » valeur, et selon laquelle il peut exister une plus grande probabilité de comportements reposant sur les tendances.

Cela a d’importantes répercussions pour les investisseurs qui pensent que les forces « émotionnelles » peuvent périodiquement influencer les marchés et fournir des opportunités d’investissement. Par exemple, le mimétisme découlant de la peur ou de l’euphorie est plus probable pour les actifs plus difficiles à évaluer tels que les actions, les devises ou les matières premières, que pour les obligations qui affichent un « point de référence » plus clair en matière de valorisation. Si nous avons un idée floue de la valeur réelle d’une chose, la possibilité d’être « noyé dans la foule » est probablement plus élevée.

Cela peut générer de nouvelles opportunités. Mais cela peut également signifier que ces actifs caractérisés par une plus grande incertitude en matière de valorisation (c’est-à-dire qu’ils sont plus difficiles à évaluer) sont moins susceptibles d’évoluer vers un point de référence et mettront certainement plus de temps à le faire. En outre, le degré d’incertitude des modèles de valorisation pour le même actif peut évoluer dans le temps. Voici quelques exemples possibles :

  • Il peut être plus difficile d’évaluer la dynamique des bénéfices (et, donc, des performances attendues) d’une entreprise si les « effets réseau » et le principe selon lequel le « gagnant emporte tout » s’avèrent plus influents que par le passé. Ce qui peut en partie expliquer la dynamique ayant sous-tendu la bulle technologique de la fin des années 1990 et/ou (peut-être) aux États-Unis aujourd’hui.

  • On peut estimer que les devises des marchés développés ont une moindre propension à afficher une « volatilité excessive » lorsque la politique économique mondiale est plus coordonnée qu’elle ne l’était dans les années 1970 et 1980.

  • Les « points de référence » attendus des valorisations des obligations d’État de la périphérie européenne exerçaient par le passé une force gravitationnelle relativement forte, mais leur influence est désormais beaucoup plus faible :

Il s’agit seulement de possibilités mais elles montrent pourquoi les investisseurs doivent non seulement se forger leur propre idée de ce qu’est une performance attendue appropriée (ou « juste » valeur), mais aussi tenir compte du processus grâce auquel ils parviennent à cette conclusion. Cela peut nécessiter de prendre conscience que les difficultés associées à la définition d’une performance attendue peuvent modifier les caractéristiques de risque d’un actif.

Plusieurs questions méritent d’être posées :

  • Doit-on avoir plus ou moins confiance qu’avant dans notre interprétation des performances attendues ?

  • Comment traiter la volatilité des prix dans différentes classes d’actifs ?

  • Doit-on s’attendre à ce que la valeur attendue agisse comme un « point de référence » à très court terme ou seulement à très long terme ?

Les réponses à ces questions seront différentes dans chaque cas et ne doivent donc en aucun cas être généralisées. En revanche, le concept d’incertitude des modèles de valorisation peut être un outil utile pour adopter une approche cohérente vis-à-vis de ces considérations.

Rédigé par Alex Houlding

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