Le retour structurel de l'inflation?

3 min de lecture 15 avr. 21

Un débat hante les marchés depuis le début de l’année : va-t-on assister à un retour de l’inflation du fait du redémarrage progressif des économies et du rattrapage de consommation que cela pourrait induire, le tout dans un contexte où les plans de relance vont eux-aussi irriguer les économies et où des goulots d’étranglement apparaissent dans certains secteurs, créant des pénuries ? Cette question est en effet essentielle puisque dans un tel scénario les taux d’intérêt de marché remonteraient, risquant de mettre à mal la valorisation des actions. 

Selon moi, il est en effet à peu près acquis que l’inflation se redressera dans les prochains mois, ne serait-ce que parce qu’elle s’est établie à des niveaux particulièrement faibles en 2020 du fait de la situation exceptionnelle d’arrêt des économies. Mais au-delà de cet effet de base, il est aussi vrai que l’épargne accumulée par les ménages sera en partie redéployée dans la consommation tandis que le lent redémarrage de la production dans certains secteurs allonge les délais de livraison et exerce une pression haussière sur les prix. Mais ces facteurs inflationnistes pourraient progressivement disparaître et l’on a peine à trouver des arguments pour théoriser le retour durable de l’inflation. 

Les plans de relance massifs et la création monétaire qui les accompagne ne sont en effet que la contrepartie de la très forte récession de l’économie mondiale en 2020 et des pressions déflationnistes qui l’accompagnent. On a du mal à imaginer dans ce contexte un retour durable de l’inflation à des niveaux supérieurs à 2%, d’autant plus que les plans de soutien et relance vont s’estomper à mesure que la vaccination permettra de sortir de la crise sanitaire. Par ailleurs, ce n’est pas tant la création monétaire et les déficits qui sont inflationnistes, mais la manière dont ceux-ci se transforment en hausse des salaires ou en pénurie d’offre. Or de ce point de vue, je pense qu’il y a peu de chances de voir les salaires progresser de manière significative ou les pénuries s’installer. 

La mondialisation déployée depuis quatre décennies a en effet presque éliminé l’inflation en mettant en concurrence la main d’œuvre mondiale via les importations et les délocalisations et en donnant accès à une offre pléthorique. Et cette situation ne changera pas radicalement, selon moi, même si cette mondialisation est temporairement freinée dans son expansion par des choix politiques plus souverainistes tels que le Brexit ou les mesures protectionnistes déployées par l’administration Trump puis maintenant Biden dont le plan de relance va privilégier les entreprises américaines. Les dirigeants des principales économies sont tiraillés entre le désir de protéger leurs appareils productifs et la volonté de vendre leurs produits à l’international, mais c’est le désir de commercer qui l’emportera. Il est donc fort probable que la démondialisation demeure un concept et que les tentatives de relocalisation de l’économie ne soient que marginales. La mondialisation et ses pressions déflationnistes resteront donc à l’œuvre, de mon point de vue.

Plus que la création monétaire, c’est donc la forte fermeture des économies qui provoque la hausse des prix, des salaires et donc de l’inflation. L’inflation des années 70, que l’on cite souvent en exemple pour conceptualiser le retour inflationniste qui nous menacerait, trouvait davantage sa cause dans le manque d’ouverture des économies que dans les politiques monétaires et budgétaires. Ainsi les efforts soutenus des banques centrales pour relancer l’inflation via la création monétaire sont effectivement peu concluants : c’est l’inflation des prix sur les marchés financiers que l’on constate, pas l’inflation des prix des biens et services.

Par ailleurs la technologie renforce les gains de productivité et constitue ainsi une force déflationniste conséquente. Le chômage demeure élevé et il est difficile d’envisager des pressions salariales dans ce contexte. Les hausses de salaires réclamées par l’aile gauche du parti démocrate aux USA sont loin d’être acquises et le grand soir n’est pas pour demain. La thèse d’une hausse des prix de l’énergie du fait de la transition énergétique est peu convaincante car les prix de l’énergie verte ne cessent de baisser et cette transition énergétique ne pourra se faire que parce que les prix le permettront. Enfin l’idée souvent développée que le vieillissement démographique favoriserait l’inflation laisse perplexe : l’Europe comme le Japon subissent de plein fouet ce vieillissement démographique depuis plusieurs décennies sans que l’inflation ne revienne, et c’est même plutôt la déflation qui menace au Japon. En définitive on trouve peu d’arguments pour étayer la thèse d’un retour structurel et durable de l’inflation. Selon moi, la hausse des taux devrait donc être contenue et ne pas mettre en péril les valorisations des marchés des actions. 

Si l’inflation doit revenir, ce sera sans doute plutôt par un mécanisme soudain de défiance devant la monnaie : interpellés par l’ampleur de la création monétaire à laquelle l’année 2020 aura fait une large publicité, les agents économiques seront peut-être un jour saisis d’un doute et commenceront à se séparer d’une monnaie créée en masse pour combler les déficits. Mais ce temps n’est pas venu tant la confiance dans les devises de référence perdurent pour la majorité des populations. Certes quelques-uns sont déjà dans la fuite en achetant des actifs numériques comme le Bitcoin, mais ils constituent à ce jour une minorité au sein de populations toujours très attachées aux grandes monnaies.

Achevé de rédiger le 9 avril 2021 par Florent Delorme, macro stratégiste chez M&G Investments

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