6 min de lecture 19 janv. 24
Compte tenu des mauvaises nouvelles attendues sur le front économique, Jim Leaviss espère que les investisseurs vont renforcer leur exposition au crédit en 2024.
En matière d’investissement, l’adage veut qu’il soit tout aussi important de ne pas perdre d’argent lorsque les conditions sont difficiles que de réaliser des bénéfices lorsque les marchés vous sont favorables.
C’est pourquoi Jim Leaviss, gérant du fonds M&G (Lux) Global Macro Bond Fund, a toujours mis l’accent sur la prudence en période de crise économique. « Je gère ce fonds depuis 1999 », a-t-il indiqué. « Je pense qu’une chose que nous avons très bien faite au cours de ces décennies, c’est de nous préparer à un ralentissement économique avant même qu’il ne se produise.
« Ainsi, s’agissant de la pandémie, nous n’avions pratiquement aucun risque de crédit lorsqu’elle a éclaté. Et nous avons pris pied dans la crise financière mondiale avec une duration longue et beaucoup de yens japonais ».
Pour Jim Leaviss, l’histoire se répète.
« Nous entrevoyons de mauvaises nouvelles économiques à l’horizon. Mais, la bonne nouvelle est que, si cela se produit, les investisseurs obligataires devraient bénéficier d’une performance satisfaisante sous la forme d’une appréciation du capital.
Selon son scénario central, les taux d’intérêt des banques centrales dans les principales économies en dehors du Japon ont atteint leur point culminant et devraient commencer à baisser dès qu’un ralentissement se produira. Sa méfiance est d’autant plus renforcée par la tournure qu’a prise l’année 2023 et durant laquelle le marché obligataire aurait dû, en théorie, se stabiliser et rebondir après un cru 2022 bien difficile. Au début de l’année, les prévisions tablaient sur un ralentissement aux États-Unis, alors que la Chine était quant à elle enfin appelée à rebondir après ses strictes mesures de confinement en réponse à la pandémie.
« C’est exactement l’inverse qui s’est produit », a-t-il déclaré. « En effet, les États-Unis ont été le moteur de la croissance de ce qui reste du PIB mondial et la Chine est restée engluée dans le marasme toute l’année ».
Dans ce contexte, désireuse d’enrayer l’inflation, la Réserve fédérale américaine n’a cessé de relever le taux des fonds fédéraux. Après avoir été porté de 0,25 % à 4,5 % en 2022, le taux culmine désormais à 5,5 %.
Toutefois, juguler l’inflation revient également à donner un coup de frein à l’activité économique. C’est pourquoi Jim Leaviss n’est pas convaincu par les propos arguant d’un atterrissage en douceur et d’un scénario « Table Mountain » dans le cadre duquel les taux d’intérêt resteraient à des niveaux élevés pour longtemps.
« Oui, il est possible que nous assistions à un atterrissage en douceur, mais ils se font rares. Ils n’ont pas tendance à se produire et, selon moi, l’argument plaidant en faveur de ce scénario serait une absence d’augmentation du taux de chômage.
« Mais, nous commençons déjà à observer un certain accès de faiblesse du marché du travail américain. C’est pourquoi je m’attends à voir la Fed abaisser ses taux l’année prochaine et pense que le marché anticipe la première réduction probablement vers le milieu de l’année. Il en va de même pour la Banque d’Angleterre et la BCE. Ainsi, d’ici juin ou juillet 2024, nous devrions voir certaines des principales banques centrales commencer à réduire leurs taux d’intérêt ».
À mesure que les taux baissent, les investisseurs obligataires devraient bénéficier de plus-values, ainsi que de rendements décents verrouillés aux niveaux actuels. Jim Leaviss situe ces prévisions au plus haut de l’échelle de la qualité.
« À l’heure actuelle, le fonds est investi à hauteur de près de 85 % en emprunts d’État. Les emprunts d’État américains constituent probablement notre plus importante exposition au sein du fonds et nous avons allongé la duration de près d’un semestre au cours du récent repli ».
Même si les derniers chiffres de l’inflation dans les principales économies se sont révélés être orientés à la baisse, Jim Leaviss est conscient que ce processus pourrait bien être inversé par des facteurs tout aussi divers que les prix de l’énergie durant l’hiver et le froid qui l’accompagne, les tensions géopolitiques et les conséquences du phénomène climatique El Niño sur les coûts des denrées alimentaires. Son portefeuille comprend également des obligations indexées sur l’inflation du Trésor américain (TIPS).
« Ce n’est pas parce que nous paniquons à propos de l’inflation, mais ces obligations sont valorisées en vue d’une inflation outre-Atlantique de 2,3 % dans un avenir prévisible et, ce faisant, confèrent une assurance bon marché. Si l’inflation signe son grand retour, les gens commenceront à acheter des TIPS en masse ».
Le portefeuille comprend également une composante relative aux marchés émergents, Jim Leaviss étant encouragé par plusieurs facteurs dans un certain nombre d’économies bien gérées. Ces facteurs vont de leurs fondamentaux en matière de démographie et de ressources naturelles aux rendements réels élevés des émissions libellées en devise locale, en passant par la manière dont leurs banques centrales se sont attaquées à l’inflation plus tôt et plus rapidement que leurs consœurs de nombreuses économies développées.
Le crédit ne joue qu’un rôle mineur dans le portefeuille à l’heure actuelle, via des obligations d’entreprises « investment grade ».
« Nous continuons de penser qu’elles offrent des valorisations décentes, mais néanmoins moins attractives que ce que l’on pourrait souhaiter dans la mesure où il convient également d’être rémunéré pour une certaine accélération du risque de défaut si nous entrons dans une phase de ralentissement », a précisé Jim Leaviss.
Il espère que les investisseurs vont renforcer leur exposition au crédit en 2024.
« Ce que j’aimerais, c’est un ajustement rapide et brutal qui me permette de racheter des obligations d’entreprises de manière significative et agressive », a-t-il ajouté. « Avec le temps, ces obligations ont presque toujours plus que compensé le risque de défaut.
« En tant que société de gestion « value », c’est précisément ce que nous recherchons ».
*La Montagne de la Table, Table Mountain en anglais, ou Tafelberg en afrikaans, qui surplombe la ville du Cap en Afrique du Sud, illustre bien la situation actuelle des taux d'intérêt, où le niveau élevé est maintenu pendant une longue période.
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