Investissement durable
7 min de lecture 8 oct. 24
Les véhicules passifs ont tendance à suivre une approche au niveau du portefeuille global pour s’aligner sur l’Accord de Paris. Cette approche est généralement assortie d’une réduction annuelle prédéterminée des émissions de gaz à effet de serre (GES) du portefeuille, telle que la réduction de 7 % prévue par les indices de référence « Accords de Paris » de l’UE1. Pour ce faire, les décisions d’allocation au sein du portefeuille sont fondées sur l’intensité carbone des entreprises.
Néanmoins, un fonds durable utilisant un cadre d’intensité carbone au niveau du portefeuille pourrait simplement détenir une sélection d’entreprises peu émettrices, telles que des éditeurs de logiciels. De même, la réduction des émissions de GES pourrait être obtenue en allégeant simplement les positions dans les pays les plus émetteurs. Une approche passive gérée de cette manière atteindrait certes ses objectifs de durabilité sur le papier, mais sa contribution aux réductions réelles des émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour lutter contre le changement climatique pourrait être remise en question.
Il convient de noter que la décarbonation n’est pas un processus linéaire. Les entreprises peuvent connaître une volatilité de leurs émissions de GES sur des périodes plus courtes, causée par des changements dans la composition des revenus, des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement ou des événements externes inattendus. En outre, lorsque les entreprises investissent des capitaux dans le cadre de leurs efforts de décarbonation, les résultats ne sont généralement pas instantanés et peuvent ne pas être visibles avant plusieurs années. Si les émissions de GES augmentent d’une année à l’autre, l’entreprise pourrait être retirée d’un véhicule passif avant que son investissement n’ait porté ses fruits.
Une méthode couramment utilisée par les fonds passifs pour évaluer l’alignement sur l’Accord de Paris consiste à comparer les émissions d’une entreprise à sa valeur totale. Celle-ci est généralement calculée en divisant les émissions totales de l’entreprise par sa valeur d’entreprise incluant la trésorerie ou dite « EVIC » (la somme de la capitalisation boursière de l’entreprise, de sa dette totale et de sa trésorerie/ses équivalents de trésorerie).
Mesurer l’intensité carbone de cette manière peut poser des problèmes aux investisseurs car toute fluctuation du cours de l’action affectera le dénominateur, faussant ainsi le chiffre de l’intensité carbone sans qu’il y ait de changement dans les émissions absolues de gaz à effet de serre. L’entrée d’une entreprise dans le portefeuille pourrait donc être influencée par sa capitalisation boursière, plutôt que par ses efforts de décarbonation.
À titre d’exemple, la valeur d’une grande entreprise technologique pourrait sensiblement augmenter en raison du sentiment autour de l’intelligence artificielle, bien que son empreinte carbone n’ait pas changé. En utilisant la méthode EVIC, cela entraînerait une diminution correspondante de l’intensité carbone. L’entreprise ne serait pas nécessairement devenue plus durable, mais les investisseurs qui s’efforcent de respecter un budget carbone pourraient accroître la taille de leur position en raison d’une intensité carbone plus attractive, simplement sous l’effet de l’augmentation de la capitalisation boursière. À grande échelle, cela augmente sans doute le risque d’une mauvaise allocation de capital.
Nous pensons qu'une méthode efficace pour les investisseurs d'encourager les progrès en matière de décarbonisation consiste à travailler en étroite collaboration avec les participations, sur des sujets tels que la fixation d'objectifs et l'élaboration d'une stratégie.
Les gérants de fonds passifs ne profitent pas nécessairement de leurs privilèges en matière de gérance (« stewardship ») de cette manière, en étant ainsi privés de l’occasion d’encourager un changement positif et de créer de l’additionnalité en tant qu’investisseur.
Selon nous, ces caractéristiques se traduisent par une approche à court terme de la gestion de portefeuille, alors même que l’alignement sur l’Accord de Paris est une démarche à long terme. Selon le GIEC, les émissions mondiales se doivent de diminuer de 43 % d’ici 2030 (par rapport à l’année de référence 2019) et atteindre le « net zéro » d’ici 20502. Avec un tel horizon temporel, il ne suffit pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre à court terme. Nous pensons que pour être véritablement alignées sur les objectifs de l’Accord de Paris, les entreprises (et les investisseurs) doivent avoir la volonté et la capacité de s’inscrire dans la perspective de plusieurs décennies.
Selon nous, l’alignement d’un portefeuille sur l’Accord de Paris ne peut pas être mesuré uniquement par l’intensité carbone ou d’autres mesures prédéterminées. Les investisseurs doivent plutôt prendre en compte leurs contributions réelles aux réductions absolues d’émissions de GES nécessaires pour limiter le changement climatique.
Typiquement, dans les stratégies M&G Investments alignées sur l’Accord de Paris, nos positions contribueront à l’Accord de Paris en décarbonant leurs propres activités et, dans certains cas, en fournissant des solutions climatiques à leurs clients pour leur permettre de le faire. Dans certains cas, ces derniers seraient exclus des portefeuilles passifs en raison de leurs émissions élevées, bien qu’ils jouent un rôle important dans la décarbonation.
Nous pouvons examiner certains des inconvénients de la gestion passive alignée sur l’Accord de Paris - et la nécessité d’une approche active - en prenant l’exemple de Weir Group.
En tant que fabricant d’équipements miniers, Weir Group n’est pas un acteur évident du développement durable. En raison de ses importantes émissions de gaz à effet de serre, il est peu probable que l’entreprise soit intégrée dans un portefeuille passif aligné sur l’Accord de Paris. L’entreprise adopte une approche conservatrice en matière de communication de ses émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de GES du champ d’application 3 (celles qui découlent de sa chaîne de valeur) comprennent un inventaire complet des émissions de GES de tous ses clients. Toutefois, l’entreprise témoigne d’une profonde détermination en faveur de la décarbonation, en se fixant un objectif scientifique de réduction des émissions de GES et en élaborant une stratégie de durabilité qui couvre à la fois ses propres émissions de GES et celles de ses clients.
En effet, les produits de Weir Group aident ses clients à éviter une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. L’exploitation minière est un processus qui consomme énormément d’énergie et Weir s’emploie à concevoir des machines efficaces pour réduire la consommation d’énergie (et les émissions de gaz à effet de serre qui y sont associées).
Par exemple, les broyeurs à cylindre à haute pression Enduron® de Weir utilisent jusqu’à 40 % d’énergie en moins que les fraises à tambour traditionnelles et ne nécessitent pas l’utilisation d’un agent de prépolissage. Ensemble, ces mesures permettent d’économiser jusqu’à 200 000 tonnes de CO₂ par an sur l’ensemble de la base installée de l’entreprise. Le système de dents minières Nemisys® N90 de Weir permet également une réduction de 44 % des émissions de CO₂ grâce à sa durée de vie améliorée, d’où moins de pièces de rechange et des performances plus efficaces.
Nous avons eu de nombreux contacts avec Weir Group au cours des dernières années. En 2020 et 2021, nous avons organisé plusieurs réunions avec le président du conseil d’administration et le responsable du développement durable de Weir afin de comprendre comment Weir peut s’aligner sur une économie à zéro émission de carbone et de promouvoir l’innovation technologique dans sa chaîne d’approvisionnement et l’adoption de produits durables par ses clients. Compte tenu de l’importance de son empreinte relative au champ 3, nous avons soutenu l’approche minutieuse et rigoureuse adoptée par la direction visant à tracer une trajectoire structurée vers le « net zéro ». Nous avons également eu des échanges avec le conseil d’administration pour veiller à ce que les objectifs ESG ambitieux de Weir soient reflétés dans son cadre de rémunération, ce qui est désormais le cas.
Source : Rapport annuel 2023 de Weir Group et recherche de M&G.
L’évaluation de l’alignement sur l’Accord de Paris nécessite une analyse approfondie et holistique dans des domaines tels que la gouvernance, la stratégie et la définition d’objectifs, ainsi qu’un suivi continu des progrès. Si les approches passives permettent d’examiner des critères tels que les publications et les objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, elles ne peuvent pas évaluer de manière exhaustive les aspects relatifs à l’intentionnalité des entreprises, telles que la stratégie de décarbonation et la présence de liens avec le développement durable dans la rémunération des dirigeants. Compte tenu de la nature à long terme du défi de la décarbonation, nous sommes convaincus qu’il s’agit là de composantes essentielles de l’alignement d’une entreprise.
Dans le cadre des stratégies internationale et européenne de M&G alignées sur l’accord de Paris, notre équipe d’analystes intégrés produit des rapports sur le carbone pour les entreprises en portefeuille. Ces rapports contiennent des analyses dans des domaines tels que l’empreinte carbone et l’action positive (« carbon handprint ») en matière d’empreinte carbone de l’entreprise, les objectifs de réduction des émissions de GES, l’intentionnalité et la redevabilité de l’entreprise, les progrès récents et les domaines dans lesquels l’engagement doit se poursuivre.
Chaque année, nous procédons également à une analyse « par feux tricolores » des entreprises investies, laquelle est publiée dans un rapport annuel sur les émissions des fonds. Cette analyse consiste à évaluer les progrès des entreprises (sur le long terme et d’une année sur l’autre) dans un certain nombre de domaines, tels que :
Nous pensons que l’engagement régulier auprès des entreprises doit faire partie intégrante de tout processus d’investissement prétendant s’aligner sur l’Accord de Paris. Il serait difficile de le faire de manière efficace avec un large portefeuille de centaines d’entreprises. Toutefois, avec un portefeuille plus concentré, les initiatives d’engagement peuvent être adaptées aux différentes entreprises, en ciblant l’impact le plus important, quel que soit le degré d’avancement de leur démarche de décarbonation.
Le dialogue est un élément essentiel de notre processus dans le cadre des stratégies internationale et européenne de M&G alignées sur l’accord de Paris et va de pair avec notre approche à long terme. Nous visons une période de détention d’environ dix ans, ce qui signifie que nous pouvons travailler en étroite collaboration avec les entreprises dans lesquelles nous sommes investis afin d’encourager et d’accompagner leurs efforts en matière de climat dans le temps.
Les sujets d’engagement peuvent notamment inclure l’encouragement des entreprises à fournir des informations complètes sur leurs émissions de GES, la fixation d’objectifs scientifiques de réduction des émissions, l’élaboration d’une stratégie de décarbonation, l’établissement d’un lien entre la rémunération des dirigeants et les étapes de cette stratégie, et le suivi des progrès en cours.
L’intérêt sans cesse croissant des investisseurs pour la lutte contre le changement climatique est incontestablement une tendance positive. Toutefois, nous pensons que la popularité des véhicules d’investissement passifs pourrait créer des résultats loin d’être idéaux, car ils sont sans doute moins efficaces pour apporter leur pierre à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris et, ce faisant, à participer à la réalisation de changements réels. Au contraire, nous sommes convaincus que l’alignement sur l’Accord de Paris exige une approche globale, propre à chaque entreprise, qui s’appuie sur une recherche approfondie, privilégie les résultats concrets et comprend un dialogue régulier avec les entreprises en portefeuille.
Les opinions exprimées dans le présent document ne sauraient en aucun cas constituer des recommandations, des conseils ou des prévisions.
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La valeur et les revenus générés par l’actif du fonds fluctueront à la hausse comme à la baisse. Ainsi, la valeur de votre investissement pourra aussi bien baisser qu’augmenter. Il est possible que vous ne récupériez pas la totalité de votre investissement initial. Rien ne garantit que le fonds atteigne son objectif et il est possible que vous ne récupériez pas la totalité de votre investissement initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.